Avez-vous déjà entendu parler de plasmonique. Savez-vous de quoi il s’agit ? Dans un livre publié le mois dernier, Olivier Pluchery et Jean-François Bryche vous proposent un cours progressif pour vous embarquer dans cette nouvelle discipline. Entretien avec le co-auteur.
“An Introduction to Plasmonics” : lumière sur la plasmonique
La plasmonique, c’est la discipline qui s’intéresse à une interaction très forte (appelé couplage) entre une onde optique et les électrons d’un métal. C’est un domaine à la croisée entre la nano-optique et la nano-électronique.
Le nom vient du fait que les électrons libres d’un métal se comportent un peu comme un gaz d’électrons tel qu’on le trouve dans un plasma. Les ondes optiques et le champ électromagnétique associé peuvent mettre ces électrons en oscillations et donner lieu à divers phénomènes de résonance telle que la résonance de plasmon.
Plus précisément, l’ouvrage « An Introduction to Plasmonics » est un livre de cours destiné principalement à des étudiants de physique de niveau master ou école d’ingénieurs. Il sera aussi utile aux doctorants ou aux ingénieurs qui veulent démarrer sur le domaine ainsi qu’aux chimistes ou biologistes qui utilisent la plasmonique et ont besoin de mieux en comprendre les fondements.
3 Questions pour…
Olivier Pluchery
Co-auteur
Enseignant Chercheur à Sorbonne Université
Expert pour le Comité de Pilotage du Hub Optics & Photonics de Systematic
Pourquoi avoir publié ce livre ?
O.Pluchery : J’enseigne la plasmonique depuis une quinzaine d’années à l’université et je n’ai jamais trouvé d’ouvrage structuré sur le sujet. Certes, si on l’on fait une recherche de livres, on en trouve plus de 200 livres traitant de la plasmonique. Mais souvent ce sont des livres écrits par un collectif de spécialistes dont le propos devient vite inaccessible pour un étudiant… et surtout il y a toute une série de démonstrations communément acceptées par la communauté scientifique que je n’ai trouvé dans aucun de ces livres, même dans les deux livres vraiment pensés pour appuyer un cours structuré.
Notre livre « An Introduction to Plasmonics » vise à combler ce vide. Je dois aussi reconnaître que j’ai été très fortement encouragé par mon éditeur World Scientific et qui a toujours beaucoup soutenu ce projet. Même si il a fallu 5 ans pour le mener à bien !
Une autre raison, c’est que même si le sujet de la plasmonique n’est pas nouveau dans les laboratoires, puisqu’il a émergé il y a 30 ans environ, il a maintenant largement dépassé les frontières de la nano-optique. Avec ce livre nous voulons Jean-François et moi, participer à cette émancipation du domaine hors des laboratoires et vers la société : vers les ingénieurs, vers les autres disciplines. C’est une superbe aventure !
Et enfin, la raison la plus personnelle, c’est que la plasmonique m’a été évoquée pour la 1ère fois par mon directeur de thèse et j’ai senti une passion presque sentimentale pour le sujet. J’ai retrouvé cette passion chez beaucoup d’autres spécialistes. C’est assez étrange. Cela tient certainement à la très forte multi-disciplinarité du sujet. Et je crois que j’ai été pris par cette passion.
Quelles sont les problématiques sur le sujet ?
O.Pluchery : Au départ, la plasmonique essaie de comprendre comment une onde électromagnétique interagit avec un métal. Quand on regarde ce phénomène à des dimensions de quelques dizaines de nanomètres, c’est assez abstrait. Mais plus largement, on se rend compte que la plasmonique peut jouer un rôle dès qu’un rayon lumineux interagit avec un métal qui est de taille nanométrique ou simplement présente une rugosité nanométrique.
Alors, les biochimistes qui fabriquent des biocapteurs se sont emparés du sujet. Puis ce sont les biologistes avec des thérapies ciblées pour des cancers, qui viennent d’être testées avec succès chez l’être humain. L’objet star de cette plasmonique c’est certainement les nanoparticules d’or… Il y a aussi l’industrie des télécoms qui y voit une manière de faire du traitement du signal à des dimensions nanométriques et non plus micrométriques, d’où un énorme gain en miniaturisation si on veut faire du traitement du signal tout-optique. On peut même citer les industries du luxe qui aimeraient profiter de cette couleur rouge rubis acquise par les nanoparticules d’or du fait de leur résonance de plasmon pour obtenir un bichromatisme.
En d’autres termes, c’est un feu d’artifice d’applications plasmoniques. On peut évoquer une petite difficulté, qui est la grande multidisciplinarité du sujet : pour qu’une idée d’application arrive à maturité, il faut souvent combiner de la physique, de la chimie, de la biologie et de la science des matériaux. Pas facile de rassembler tous les talents correspondants…
Où allons-nous ensuite ?
O.Pluchery : Difficile de prédire où vont émerger les applications de demain liées à la plasmonique ! Pour le moment, la majeure application commerciale se situe dans le domaine des biocapteurs et toute la lignée des instruments « Surface Plasmonic Resonance » commercialisés par une dizaine de sociétés dans le monde, dont Horiba. Mais très récemment, on a vu la plasmonique s’inviter dans les tests COVID, notamment les tests antigéniques. Les petits traits rouges que l’on scrutait pour savoir si l’on est porteur du virus, sont colorés par des nanoparticules d’or et leur rouge-rubis. Dans l’avenir, un domaine qui semble être très prometteur est la photocatalyse, où les nanoparticules plasmoniques jouent le rôle de nano-antenne pour amplifier l’effet de la lumière sur une réaction chimique. L’optronique aussi s’empare du plasmon, pour étudier comment utiliser cette onde mi-électrique mi-optique sur des PIC (photonic integrated circuits).
A propos des auteurs
Olivier Pluchery enseigne la plasmonique depuis 15 ans à Sorbonne Université et dans cet ouvrage il propose une approche progressive sur les deux familles de plasmon, le plasmon propagatif à la surface des métaux et le plasmon localisé dans les nanoparticules et nanostructures métalliques.
Jean-François Bryche quant à lui, est spécialiste des applications plasmoniques en biophysique et détaille notamment les mécanismes des biocapteurs réalisés sur la plasmonique.