A l’occasion de la publication du manifeste “Pour un numérique sobre et décarboné avec le logiciel libre et Open Source” co-écrit par le Hub Open Source et Naos, Philippe Montargès, Président du Hub Open Source de Systematic répond à 3 questions sur le Numérique responsable : Opérer de la croissance, différemment !
1- Philippe, pourquoi associez-vous aussi facilement Open Source et Numérique Responsable ?
Je les associe naturellement et logiquement, parce que l’open source n’est pas une technologie, mais un modèle social et économique de conception et de production des logiciels.
Les principes qui sous-tendent les logiciels open source, à savoir l’ouverture du code et de sa documentation, ainsi que l’usage de standards et formats interopérables, contribuent à simplifier le partage et la réutilisation des logiciels et des données et, par là même, contribuent à la démarche globale de durabilité et de sobriété du numérique. Ce mode de création repose sur la transparence, l’ouverture, l’accessibilité et la durabilité. Cela paraissait évident que pour répondre aux enjeux de décarbonation notamment, il fallait s’inscrire dans le temps. Un de nos grands atouts est de s’appuyer sur des briques et des composants qui s’inscrivent dans un modèle durable, dans un temps long. L’Open Source, porté par ses communautés de créateurs engagés, industriels, associations comme individus, est donc naturellement un contributeur positif et actif, depuis plus de 30 ans, à un numérique sobre, engagé et responsable.
2- Quels sont les atouts de l’Open Source pour un numérique plus responsable ?
Le constat est simple : 75% des émissions de gaz à effets de serre produits par le numérique proviennent non pas de l’usage, mais de la fabrication des matériels, qui passe notamment par une obsolescence logicielle programmée systématique et industrialisée . Or, nous pouvons lutter contre cela ! Développer en open source permet de s’inscrire dans une démarche vertueuse car le logiciel libre répond à 4 grands critères, qui changent la donne : l’ouverture, la transparence, la duplication et la transférabilité. Les logiciels libres sont le fruit du travail de vastes communautés qui ouvrent leurs codes sans restriction de temps ou d’utilisation. Ils sont donc plus durables, robustes et résilients.
Cette durabilité des logiciels libres constitue à mes yeux un des principaux atouts pour contribuer à un numérique plus sobre. Leur partage continu assure leur évolution, leur sécurisation et leur optimisation permanentes, ce qui réduit notamment la fréquence de remplacement des composants et des matériels les incorporant. Avec son ticket d’entrée plus raisonnable financièrement les entreprises peuvent de même s’engager plus aisément dans une stratégie de sobriété numérique.
Enfin, La mesure systématique et objective de l’empreinte environnementale des services numériques, au moyen de logiciels et de sources de données ouverts, constitue la clé de voûte de toute stratégie de transition écologique du secteur. Pour bien appréhender les impacts de notre consommation numérique, il est nécessaire de mesurer. Et pour bien mesurer, il fait avoir des données sûres et objectives. Les datas issues d’un logiciel libre sont accessibles et transparentes : elles assurent donc ces mesures fiables permettant des actions correctives efficaces et durables !
3- Et maintenant, quelles actions concrètes pour porter ces messages ?
Cette fin d’année 2022 doit être un moment de mobilisation générale et d’engagement de tout l’écosystème Open Source ! Cela passe effectivement par ce manifeste que nous avons co-écrit avec notre partenaire NAOS et que nous portons ensemble, mais pas que… Deux moments forts ont été prévus : d’abord, lors de notre salon Open Source Experience, les 8 et 9 novembre derniers, qui a valorisé cette thématique du numérique responsable. Puis lors de notre intervention au Green Tech Forum les 1er et 2 décembre derniers, sous le haut patronage de Planet Tech’Care, qui a expliqué en quoi l’utilisation de l’Open Source est un accélérateur vers un numérique plus responsable.
Ce que l’on vise en 2023, enfin, c’est la mobilisation autour d’appels à projets reposant sur une utilisation plus sobre et écologique du numérique, que l’on pourrait valoriser par un label. Nous souhaitons également éditer un classement des outils, logiciels par exemple, les moins énergivores. Ce sont des projets ambitieux à traiter au niveau national, certes, mais aussi européen, notamment en mobilisant nos partenaires de l’APELL, l’Association Professionnelle Européenne du Logiciel Libre et de la Commission Européenne.
Il faut que tous les acteurs de notre écosystème perçoivent cette démarche comme un engagement positif, permettant d’accélérer leur développement, d’ouvrir de nouveaux marchés, de générer de nouveaux revenus.
Nous devons tous nous mobiliser pour apporter des solutions opérantes, efficientes et performantes aux enjeux du numérique responsable, afin d’opérer de la croissance différemment. Vous l’avez compris, l’Open Source y est parfaitement adapté !
L’enjeu écologique ne doit pas être vécu comme une contrainte, mais abordé à la fois comme une réponse à l’urgence climatique et comme l’émergence d’un nouveau modèle de croissance responsable. Cela représente une nouvelle opportunité de nouveaux marchés et de développement pour l’ensemble de la filière open source.